En France ! Quand on parle de ROI lié au digital, on a déjà pris le risque de prononcer une formule savante.
Suite à la conférence donnée le 14 novembre 2013 concernant la sortie du livre « La communication digitale expliquée à mon boss », j’ai souhaité apporter ma vision du digital, et du ROI pour faire suite à l’intervention de Michaël Tartar* sur ce même point. Un article qui fait état d’une brève chronologie du digital, et d’un ROI qui a longtemps été étouffé par de réelles problématiques.
*Michaël Tartar – @michaeltartar (Le blog : http://michaeltartar.com) intervenant sur la conférence mais également contributeur au sein du livre.
Le sujet du digital et du ROI est tellement vaste et riche à la fois, que cet article ne saurait être exhaustif. Il apporte simplement une approche sur le digital et une réflexion sur le point sensible dudit ROI, alors qu’il devrait peu à peu se dissoudre si chacun prenait le temps de lire le livre d’Hervé Kabla et de Yann Gourvennec. J’aborderais certainement d’autres points au fur et à mesure de sa relecture, et de l’étude approfondie des thèmes qui y sont abordés. En attendant place à une vison !
Qu’est ce que le R.O.I ?
A question simple, réponse simple. Il s’agit au sens large du terme, du retour sur investissement (Return On Investment) le ratio entre l’argent gagné ou perdu en rapport d’un investissement. ROI que nous associerons ici au digital.
En ce qui concerne le ROI au sein du digital, il y a plusieurs facteurs « contaminants » autour desquels on va tenté un déchiffrement. Ce sont ceux qui vont nous intéresser pour comprendre le retard qu’a subit la France dans le digital, car ils impactent indirectement et en partie la problématique du ROI. Nous verrons au travers des 4 points qui vont suivre, comment la révolution digitale s’est installée, comment la culture entreprise a peu évolué vis à vis du digital, ainsi que le rôle et la position majeure d’un chef de projet.
Pour finir nous aborderons le manque de maturité internet, qui frêne hélas le passage au digital et/ou son ROI dans certaines entreprises. Au final je parlerais donc très peu du ROI en tant que tel, et vous comprendrez pourquoi dans la mesure où on ne le dissocie pas ici du digital. Cette vision qui va suivre n’engage que moi, car elle reflète un constat personnel avec lequel on peut bien entendu être en désaccord.
- La communication digitale
- La culture entreprise
- Le chef de projet
- La maturité internet
1. La communication digitale
Pour situer un peu le débat : je m’appelle Laurent Bour et j’approche les 43 ans, j’ai 15 années d’expérience en tant que responsable commercial avec une évangélisation quasi constante du digital, dans les structures où je suis passé.
J’ai connu internet au début des années 90, et particulièrement la transmission des données numériques en 93 alors que j’effectuais mon service militaire. Laissez-moi vous dire que c’était pour moi révolutionnaire de faire circuler une photo d’un point A vers un point B, par les lignes téléphoniques dans ces années-là.
J’ai pu pendant les 20 dernières années, assister à un changement des modes de communication et voir comment les supports de contenus ont accéléré en partie la transition vers le digital. On ne peut d’ailleurs aujourd’hui parler de la stratégie de contenu, sans aborder la mobilité et la multitude des supports qui s’offrent aux communicants; les écrans et les différentes résolutions adoptés pour afficher un contenu. (Je vous recommande au passage la lecture du livre de Karen McGrane – Stratégie de contenu mobile aux éditions Eyrolles)
C’est ainsi que le responsive design a peu à peu pris place dans le paysage de l’internet, au travers des sites et des blogs. Il permet en l’occurrence au contenu, de s’adapter à la taille de l’écran. Le support sur lequel on doit conserver au mieux l’ergonomie du design, doit continuer de faciliter la lecture du contenu sans l’altérer. Les principaux supports vont du micro ordinateur jusqu’au smartphone, en passant par la tablette. Les différents OS comme Androïd, iOS et les quelques autres qui survivent, doivent également être considérés dans les différentes phases d’un projet responsive design.
Face à ces supports et à l’explosion du e-commerce en parallèle, il était nécessaire pour la France de prendre le virage du digital (numérique) pour suivre les tendances. Il fallait penser à combler le retard en terme de formation pour les dirigeants, les cadres et les salariés des entreprises impliquées. En parallèle, l’enseignement avait un rôle majeur à jouer dans le suivi des étudiants et des cursus empruntés. A ce sujet on aurait pu ajouter également la mise à disposition d’outils informatiques fonctionnels, ou de supports répondants à des normes actuelles.
L’informatique a longtemps été victime de la rapidité d’obsolescence, de problèmes de mise à jour des logiciels ou encore de failles de sécurité… mais on s’est laissé rapidement submerger par le problème. Un confort de travail s’avérait et s’avère toujours nécessaire pour être productif… on est passé d’un environnement relativement large et étendu d’une structure, à celui d’un ordinateur en quelque sorte. Il ne fallait dés lors pas perdre les notions de collaboratif, de relationnel, et surtout apprendre à répondre à l’évolution des modes de travail. La formation du personnel était l’un des points à ne surtout pas négliger.
La communication digitale a poursuivi son chemin en maximisant ses canaux de diffusion de l’information, c’est ainsi qu’au fil des années se sont installés les réseaux sociaux (médias sociaux) où grâce à un support et des outils en ligne, on pouvait diffuser un message à des communautés d’internautes reliées à internet, mais également entre elles. A partir de là les modes de communication ont radicalement changés en apportant de l’instantanéité, mais en même temps une multitude de problématiques auxquelles il fallait apprendre à répondre rapidement. De nombreux métiers émergents sont alors apparus peu à peu… et le comble ! peu d’entreprises prêtes à les accueillir en définitive. Etaient-ils perçus comme des dents-longues, des révolutionnaires, des incompris… ? sans doute que beaucoup et encore aujourd’hui se posent la question de leurs rôles dans une entreprise.
Community Manager, Traffic Manager, Social Media Manager pour n’en citer que 2/3 parmi les derniers arrivés, mais ce sont aussi des termes anglophones réchauffés qui se sont infiltrés dans notre vocabulaire; inbound marketing, leads, big data pour là encore n’en citer que quelques-uns qui pourtant étaient déjà présent, mais peu usités pour certains.
Bien évidemment que rien n’était nouveau, c’était juste ramener sur le devant de la scène, alors que le digital posait ses fondements un peu partout où la culture internet était déjà ancrée. La communication digitale est maintenant installée ! et elle est solidement relayée par un ensemble de moyens et d’outils qui font notre quotidien. Aux autres, elle ne peut s’échapper de l’actualité où elle devient omniprésente. Cependant il y a encore beaucoup de travail et d’évangélisation à accomplir auprès des dirigeants d’entreprises.
2. La culture entreprise
La culture entreprise, ou comment transmettre un savoir, une richesse de connaissances, des process ou un ensemble de règles qui posent les bases du fonctionnement d’une structure. Où se place le digital dans tout cela ? Là aussi il y avait un manque de mise à jour au sein de nombreuses entreprises. La problématique est ici très simple car elle est directement liée à ceux qui définissent les contours de la société, dans laquelle ils évoluent. L’évolution est parallèle entre le recours au digital et la culture entreprise, elles vont ou devraient fonctionner de pair pour défendre des valeurs et installer un climat.
Pour remédier à cela, il faut jouer le rôle d’évangélisateur au sein de son entreprise. Il devient primordial de par sa vision, d’amener par des preuves concrètes, l’intérêt de passer au digital ne serait-ce qu’en partie. C’est certes un travail de longue haleine qui ne doit pas être isolé aux yeux de la hiérarchie générale, mais elle est inévitable pour prendre sa position dans la société. Si ça demande une force de caractère, la motivation et la curiosité ainsi que l’apprentissage sont de parfaits vecteurs détectables chez l’individu. Inutile de faire son trou, là où il est déjà creusé ! Il faut aussi savoir renoncer pour préserver son évolution au sein d’un meilleur environnement, et pendant qu’il peut en être encore temps.
Ainsi la culture d’entreprise est une empreinte à remanier dans la société, si celle-ci prend le virage du digital. Elle doit faire partie des règles et laisser place à un dialogue constructif pour avancer en collaboration avec sa hiérarchie. Mais où se situe donc notre ROI du digital dans tout ça ? C’est bien là qu’il fallait comprendre que si le digital commence à s’introduire partout, le ROI qu’on tente de lui associer dans certains projets, laisse encore entrevoir des failles de maturité sur la manipulation d’Internet et ses outils.
3. Le chef de produit
Nous arrivons maintenant à un de ces rôles « majeur » au sein du digital, le chef de projet, le défenseur de l’idée salvatrice… non ! je m’enflamme un peu. Le chef de projet n’est pas qu’un manager d’équipe, un gars qui sait planifier, organiser et ramener sa vision dans un temps alloué à la construction d’un projet. Il a le devoir de savoir vendre, savoir convaincre et exposer le bien-fondé de tout projet s’il est là pour apporter une évolution dans sa structure.
En outre, il travaille sur la véritable vision du chemin à prendre dans la dimension qui lui est impartie. S’il doit ET il doit défendre un projet, il lui faut des données et des variables tangibles pour appuyer et viabiliser sa démarche. C’est lui qui tient la démarche du ROI entre ses mains, et la faculté de la rendre compréhensible à sa hiérarchie.
Comme Michaël Tartar l’exposait lors de la conférence de la communication digitale expliquée à mon boss, le chef de projet doit fournir de vrais données, et non partir sur des hypothèses… il doit premièrement chercher ses sources en interne et user de voies externes pour compléter le chiffrage et l’exposé de son projet. Son cheminement doit répondre de façon simple à ce que sa hiérarchie veut entendre (le ROI) – ce que le projet va rapporter.
Quand arrive le moment de le présenter, il doit être convaincant et convaincu. Il doit suivre un cheminement en appuyant et en s’attardant sur le point mort ou sa société commencera à gagner de l’argent. Il doit faire preuve d’écoute face aux objections et aux questions posées et ne pas être irréaliste sur le bien-fondé d’un projet digital. Les modes de communication abordés, et une éventuelle présence sur les réseaux sociaux au travers de son projet, doivent être accompagnés d’exemples en faisant preuve d’un discours simple et facilement compréhensible.
Le succès d’un projet mené à son terme en respectant les étapes, contribue à renforcer la confiance de sa hiérarchie, mais offre par dessus tout un exemple concret de l’intérêt du digital au sein de l’entreprise. En dehors de l’aspect ROIste, il peut être un véritable évangélisateur au moment de présenter son projet (sans se perdre néanmoins)
Ainsi on est en présence d’un rôle charnière qui doit être pris à coeur, et surtout abordé avec sérieux pour être efficace et reconnu. Le chef de projet construit sa réputation sur la validation et le succès de ses projets. C’est ainsi qu’i peut défendre le digital dans son parcours professionnel, en jouant le rôle d’un véritable chef d’orchestre.
4. La maturité internet
Qu’est-ce donc que la maturité internet ? Rien de méchant ! c’est juste un point indispensable à la concrétisation de projets digitaux en interne.. sinon il va falloir ramer, et ramer encore pour évangéliser. Est-on parvenu à un point où tous ont compris le digital et l’intérêt d’une présence sur le net ? Je vous laisse seul juge au travers de votre quotidien et de votre expérience professionnelle. La vôtre, celle de vos connaissances, votre famille… où il est relativement simple de recueillir des témoignages de cette maturité internet. Elle est souvent fonction de conflits de génération et de méthodes de travail devenues des habitudes solidement installées, voir régulièrement le manque de mise à jour et de vouloir ignorer qu’un virage s’est opéré.
Néanmoins il y a un point sur lequel je vais insister et lourdement ! Les entreprises n’ouvrent pas suffisamment la formation à leurs salariés. Combien de personnes ne savent même pas ce qu’est un DIF et ce à quoi il sert ! Combien sont ceux masquant ce droit et qui ne veulent pas laisser leurs employés se former pour mieux les contrôler et peut-être même leur éviter d’aller à la concurrence ?
Pourquoi constater aussi la peur de la mise à jour, la remise en question, le bilan de compétences… ce sont des étapes qui visent à se parfaire, à mieux se connaitre et à trouver ses limites. Il n’y a rien de plus frustrant qu’un milieu, où on tient en bride des compétences enfouies. Et dans ce cas, ce sont souvent les dirigeants qui craignent pour leur poste. On évince le net, on tente de tenir les quelques années restantes pour toucher sa retraite… on ignore l’évolution et le désir qu’ont certains de progresser, de s’étendre, de rechercher de nouveaux marchés.
Nous ne sommes pas qu’en présence d’un problème de gestion financière, ou de crise qui serait un parfait alibi ! mais il semble que beaucoup cherchent à freiner l’évolution par sécurité d’emploi et par crainte d’être botté en touche. C’est ici un réel problème pour la percée du digital et d’amener la réalité d’un ROI au travers d’actions parfaitement maitrisées. La frustration devient alors un ennemi dont il faut se débarrasser rapidement pour voir d’autres horizons.
Le digital pourrait alors être amoindri, passé sous silence pour se laisser un volant de manoeuvre et de contrôle d’une société. La crainte de perdre son poste et le refus de se mettre à jour peuvent dès lors être des menaces pour la défense d’un ROI… le tout par manque de maturité digitale. Ce cas est le plus dur à surmonter car celui qui n’ignore pas ne se laisse jamais ou rarement convaincre ! C’est fort mais pour beaucoup de profils, ils agissent par crainte de l’inconnu, car ils n’ont pas pu se mettre à jour.
En conclusion
Pendant longtemps on avait peur d’aborder le ROI, peur de devoir faire face à des éléments inconnus, qui ne trouvent pas de réponses à la portée d’un clic. Le ROI ! c’est impossible à amener dans les réseaux sociaux, on ne peut rien quantifier, rien évaluer, ni rien projeter de concret… voilà ce qu’on entend chez ceux qui veulent ignorer l’évolution ! et cela entraine une réalité qui est sans appel. Le community manager est aujourd’hui en majorité un stagiaire, qui pendant 4 ou 6 mois mène des actions qui ne sont pas encadrées par qui que ce soit. Certains postes ne sont pas valorisés, ce qui n’incite pas à l’implication ou la participation active de l’évolution d’un service. On constate un retard en terme de formation même si ça tend à s’équilibrer, mais aura t’on des dirigeants prêts à embaucher en face ? Tous ces paramètres sont comme les pièces d’un puzzle, qui se dessine peu à peu par les mains de ceux qui croient dans le digital, qui le prône et qui le défende comme on peut le voir dans différentes conférences.
Là encore on pourrait parler du B2B et du B2C, ainsi que des générations passées et actuelles sur la vision de l’outil informatique et du digital en général.
J’ai donc finalement très peu parlé du ROi, car il est bel et bien étouffé par les problématiques énumérées. si la maturité du web et la formation en parallèle ne s’accélère pas (ça change positivement) le ROI n’aura pas de socle pour être accepté au sein des projets. Un ambassadeur qui prône le digital au sein d’une structure, ne signifie pas qu’il est forcément entouré de profils qui fonctionnent dans sa logique et dans son sens. De nombreux freins existent encore aujourd’hui.
Le constat est certes au final un peu fort ! il peut même sembler loin de la réalité… mais n’oublions pas aussi que lorsqu’on respire digital, on arrive à perdre un peu de cette réalité du marché autour de soi. Ce n’est pas tout le temps vrai, mais je rencontre de nombreux profils compétents qui ne trouvent pas de postes. Heureusement que pour d’autres, ça semble très bien prendre.. mais on constate assez régulièrement que ce sont des indépendants.
Alors on pourrait poser la question : Faut-il être indépendant pour espérer vivre le changement et donner un sens au ROI au sein de la communication digitale ? A cette question j’attends des réponses… mais plus encore si j’en reviens au titre :
Le digital en France (oui)… mais pourquoi les entreprises n’entendent pas et ne donnent pas le temps au ROI ?