Il n’aura pas fallu longtemps avant que la langue française ne se décide à adopter ce néologisme qui, rappelons-le, avait été consacré mot de l’année par le prestigieux Oxford English Dictionary l’année dernière.
Il faut dire que l’introduction du terme selfie dans notre langage courant s’est fait à toute vitesse. Il y a 2 ans, personne n’avait entendu parler de ce mot (dont l’origine remonterait néanmoins à 2004 sur Flickr).
« selfie » : autoportrait numérique, généralement réalisé avec un smartphone et publié sur les réseaux sociaux
(Le Petit Robert 2015)
Aujourd’hui, impossible de passer à côté, comme le montre ce graphique extrait de Google Trends.
Le selfie répond à un besoin
Plusieurs études ont démontré le besoin primaire de l’être humain de se connecter à d’autres personnes. A l’époque préhistorique, celui-ci avait pour but de protéger sa tribu des menaces extérieures.
Au XXIe siècle, nos besoins ont sensiblement évolué : selon la théorie de la pyramide de Maslow, la plupart de nos besoins primaires (besoin physiologiques et de sécurité) sont désormais acquis.
Dès lors, ce que la plupart des gens recherchent aujourd’hui, ce sont les besoins d’appartenance, de reconnaissance, d’appréciation et d’attention de la part des autres… Et c’est exactement ce qu’offre le selfie : un moyen de créer son identité et son image et de les diffuser massivement grâce aux réseaux sociaux.
L’utilisation massive des selfies par toutes les couches de la population est un intéressant indicateur de la place prépondérante qu’occupent les médias digitaux dans notre vie quotidienne et leur évolution en tant que média personnel. Plus qu’un objet du quotidien, notre smartphone est une extension de nous-même, un puissant vecteur permettant de montrer au monde que l’on existe.
Et ce phénomène n’est pas seulement l’apanage de ces représentants de la génération Y nés avec un smartphone à la main. Tous les grands de ce monde s’y sont mis également : de Barack Obama à François Hollande, en passant par l’astronaute Aki Hoshide lors d’une sortie spatiale et même le pape François 1er.
Le selfie est un moyen pour ces personnalités de se rapprocher des gens et de se montrer sous un jour plus humain et sympathique.
Samsung, le précurseur
Assez rapidement, de grandes marques ont flairé le filon et se sont décidées à s’approprier le selfie en tant que nouvelle arme dans leur arsenal de Social Media Marketing.
Le pionnier en la matière s’appelle Samsung et a réalisé un véritable coup de maître lors des Oscars en janvier dernier grâce à un selfie commandité à Ellen de Generes, la maître de cérémonie de l’événement.
Résultat : il devient le tweet de tous les records, avec plus de 3 millions de RT, et offre à Samsung une couverture médiatique en or. Le géant coréen a même retenté l’expérience du selfie sponsorisé dernièrement, en essayant d’utiliser l’image du président Obama par l’entremise du joueur de baseball des Red Socks de Boston David Ortiz, afin de faire la promotion du Galaxy Note 3…
Ce qui a provoqué la colère de la Maison Blanche, estimant qu’il était inacceptable d’utiliser l’image du président des Etats-Unis à des fins commerciales. Pas sûr que l’on revoie des selfies d’Obama avant un bon bout de temps !
Le phénomène #Selfisoloir
En mars dernier, un curieux hashtag venu tout droit des Pays-Bas a fait son apparition sur Twitter en pleine période d’élections municipales : #Stemfie, « stem » voulant dire « voter » en néerlandais.
Sur les réseaux sociaux, les électeurs s’en sont donc donné à cœur joie et ont massivement publié des selfies dans l’isoloir, leur bulletin de vote en main.
Et bien entendu, le phénomène ne s’est pas fait prier pour dépasser les frontières quelques semaines plus tard lors des élections du 25 mai dernier en France et en Belgique, où le #stemfie (francisé en #selfisoloir) a déferlé sur Twitter et Instagram (ce qui par ailleurs a donné naissance, pour notre plus grand bonheur, à pas mal de fails croustillants).
En Belgique, l’agence de voyage Neckermann a décidé de ne pas laisser passer l’opportunité et a organisé un jeu concours un peu particulier : elle offrait aux participants qui postaient sur la page Facebook de l’agence un selfie en maillot de bain, un voyage d’une semaine en Turquie.
Un joli coup de pub pour le voyagiste qui s’est offert pour l‘occasion, une belle couverture médiatique.
Petite précision : le fait de prendre une photo dans l’isoloir est contraire à la loi en Belgique et passible d’une amende de 3000 euros (ce qui n’a pas entamé l’enthousiasme des centaines de participants qui ont tenté leur chance).
Le selfie dans l’ADN de Go Pro
L’utilisation des selfies dans la stratégie de Social media marketing de Go Pro est tout à fait particulière, car ceux-ci s’intègrent parfaitement avec l’image et la philosophie de la marque.
A travers son slogan « Be a Hero », Go Pro propose aux aventuriers et sportifs de l’extrême, de filmer leurs péripéties à l’aide d’une mini caméra (42mm x 60mm x 30mm).
Le selfie apparaît donc comme un excellent moyen de mettre en valeur les aventures des utilisateurs de Go Pro, et c’est ce que la marque met en avant notamment sur ses comptes Twitter et Instagram.
Comme l’explique Kevin Platshon, responsable du marketing digital chez Go Pro :
L’objectif de notre entreprise est de permettre à nos utilisateurs de partager plus facilement leurs expériences extraordinaires, et de paraître cool en le faisant.
Lorsqu’ils prennent un selfie avec leur caméra Go Pro, ils ne prennent pas une simple photo d’eux mêmes, ils véhiculent notre état d’esprit.
Le Selfie, nouvelle valeur sûre ou mode éphémère ?
Certes les selfies vivent leur heure de gloire, mais combien de temps resteront-ils en haut de l’affiche ? Après tout, c’est juste une photo, et après le selfie papal, le selfie dans l’espace ou le selfie aux 3 millions de RT, que pourrait-on encore bien inventer ?
Bien entendu, il est indéniable que l’autoportrait digital représente pour le moment une arme redoutable pour les marques, et offre de nombreux bénéfices en termes d’engagement avec l’utilisateur, de storytelling visuel de brand value.
Mais, comme n’importe quelle tendance, il ne peut qu’être voué à disparaître dans un futur plus ou moins proche, remplacé par un autre modèle qui nous fera aussitôt oublier son existence.
Reste à savoir quand cela se produira….