Depuis de longues années, Internet demeure une zone de non-droit où chacun œuvrait un peu comme il le souhaite.
Si c’est encore le cas aujourd’hui, de nombreuses mesures ont néanmoins été prises pour faire naître un droit du numérique avec une loi qui encadre plusieurs sujets sensibles.
Définition du droit du numérique
En moins de 10 ans, le « droit de l’internet » ou droit du numérique, devient une réalité même si internet est encore considéré comme une zone de « non droit ». Le droit « normal » s’y applique déjà, de fait, comme partout.
Deux lois encadrent les fondamentaux de cette nouvelle législation autour du droit du numérique :
– la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978,
– la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004.
Il faut retenir, que le droit numérique est :
Un droit spécifique aux nouvelles technologies.
Il règle :
- la protection de la vie privée,
- la protection de la propriété intellectuelle,
- l’accessibilité numérique
Il est constitué de quatre types de sources :
- la loi (ou le règlement européen),
- la jurisprudence,
- les contrats,
- les chartes.
Qu’est-ce que la loi numérique ?
Au bout de 4 années de pourparlers au Parlement, le projet de loi Numérique a été adopté le 28 septembre 2016. Cette loi, prépare le pays à la transition numérique, notamment en :
- renforçant le pouvoir de sanction de la CNIL,
- en établissant de nouvelles normes de mise en ligne de documents publics des administrations,
- en établissant la reconnaissance du droit à l’oubli pour les mineurs,
- la mise en place du principe de neutralité du Net etc…
Le droit du numérique s’installe petit à petit et devrait se renforcer au fil du temps.
Les 15 mesures clés de la loi Numérique qui font référence :
Le droit du numérique encadre déjà une bonne partie des sujets qui demeuraient flous jusqu’alors. Avec la loi Numérique qui a été instaurée, ce ne sont pas moins de 15 mesures qui s’appliquent dés à présent.
- Élan en faveur de l’Open Data. Les principales administrations devront mettre en ligne, d’ici deux ans, différents documents publics en leur possession.
- Amendes de la CNIL. Passant de 150 000 euros à 3 millions d’euros.
- Revenge porn. Sanctionner plus facilement les internautes mettant sur le net des images intimes de leurs ex-partenaires.
- État et logiciels libres. Les administrations devront encourager l’utilisation des logiciels libres.
- Liberté de panorama. Les auteurs et ayants droit ne pourront plus s’opposer à ce que des particuliers prennent des photos « d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique » (Tour Eiffel, Pyramide du Louvre…).
- Traduction vidéo en langue des signes. Les administrations devront les mettre à disposition des personnes sourdes et malentendantes, au titre de leur accueil téléphonique, un service de traduction simultanée devra être accessible via un logiciel de chat vidéo. Les plus grandes entreprises sont également contraintes de suivre ce mouvement, sous deux ans.
- Droit à l’oubli pour les mineurs. Il est maintenant possible de réclamer la suppression de photos ou de vidéos mises en ligne des victimes avant leurs 18 ans.
- Maintien de la connexion à Internet. Se basant sur le modèle des factures de l’eau, du téléphone ou de l’’électricité, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières ne pourra plus voir sa ligne suspendue.
- Loyauté des plateformes. Les moteurs de recherches tels que Google et Bing devront fournir « une information loyale, claire et transparente » à leurs utilisateurs.
- Reconnaissance de l’e-sport. Les conditions d’organisation des compétitions de jeux vidéo sont définies dans un cadre plus clair.
- Mort numérique. En cas de décès de l’internaute, les héritiers ne pourront, en principe, avoir accès à ses données uniquement qu’en vue et au moment du partage de la succession et de l’éventuelle clôture de ses comptes (Facebook, Gmail, etc.).
- Victimes d’infractions à la loi Informatique et Libertés. Gardienne des données personnelles, elle pourra ordonner aux responsables de manquements à la loi Informatique et Libertés qu’ils « informent individuellement » de leur condamnation ( à leur frais) chacune des personnes concernées par leurs infractions. Cela signifie que vous pourriez prochainement être averti qu’un site s’est malencontreusement fait dérober l’adresse mail et le mot de passe que vous lui aviez confié…
- Airbnb. Certaines villes pourront demander à leurs résidents, louant leur logement sur un site de mise en relation (tel qu’Airbnb) de s’enregistrer via Internet.
- Droit de récupération de ses données. À compter du 25 mai 2018, les internautes devront pouvoir télécharger en quelques clics l’ensemble des données qu’ils ont mises en ligne.
- Neutralité du Net. La loi Numérique transpose le principe de neutralité du Net comme le « zéro rating » (l’exemption d’un service du décompte de données sur mobile).
Le droit à l’image : un sujet récurrent sur le net
Dans la notion du droit du numérique, il est un sujet qui revient toujours sur le tapis; le droit à l’image. Tout le monde est concerné par le « droit à l’image » sur internet. Une image sur le web peut toucher un grand nombre de personnes.
Pour être protéger, notamment en France, les lois, tels que les articles 226-1 à 226-8 du Code Pénal précisent que « toute publication ou reproduction d’une image sur laquelle une personne est facilement reconnaissable n’est autorisée qu’avec son consentement préalable », et ce, que l’image concernée soit préjudiciable ou non.
Dans tous les cas, lorsqu’une personne est identifiable sur une photo, il est recommandé d’obtenir une autorisation écrite, datée et signée, avant de procéder à la publication sur le web.
Les mineurs en revanche ne sont pas autorisés à signer ce type de documents (décharges permettant de diffuser leur image). Ce sont les parents qui engagent leur responsabilité, et de ce fait ils déterminent si les images ou documents peuvent être diffusés sur internet.
L’image renvoie souvent à la vie privée, l’article 9 du Code Civile autorise toute personne reconnaissant son image, sa voix ou tout autre élément permettant de l’identifier à obtenir une réparation en faisant valoir ses droits.
La victime pourra exiger le retrait immédiat du contenu la concernant et/ou demander des dommages et intérêts si le préjudice est important (image salie sur internet par exemple).
On considère qu’il y a infraction dès lors que le document publié relève de la sphère privée et qu’il est diffusé à un public non-autorisé.
Pour en savoir davantage sur le droit d’utilisation des images, voici une infographie complète sur le sujet :
Tout savoir sur le droit d’utilisation des images par iStock
Peu de formations numérique dans les filières juridiques
L’arrivée des nouvelles technologies bouleversent les professions juridiques. Cependant, les cursus menant vers une spécialisation du droit numérique sont encore peu développés en France.
Peut-être parce que le droit est encore l’une des disciplines les plus traditionnelles que compte l’université. Selon Jérôme Passa, avocat et directeur du très réputé master 2 droit du multimédia et de l’informatique de Panthéon-Assas :
« Les études de droit sont très lourdes. Un étudiant bien formé a suivi des enseignements dans un très grand nombre de branches du droit. Il faut du temps pour former une analyse juridique rigoureuse et précise. »
Conclusion
Sur Internet, le « droit » et le « bon droit » ne font pas encore bon ménage ! La prudence est proportionnelle au risque.
Une certitude avec internet : l’utiliser c’est s’exposer ! En démocratie, dans une évolution permanente des habitudes et des mœurs, la responsabilité individuelle et la prise en compte de la portée indéfinie de cet outil extraordinaire conduit inévitablement à des débordements, des utilisations surprenantes, pour le meilleur et pour le pire !
La conscience collective repose sur la conscience individuelle ! Le droit, quand à lui donne un cadre et seulement un cadre !
crédit photo à la une : iStock by Getty Images